lundi 31 août 2015

Une gauche de gouvernement qui ne sait que servir le patronat (édito de lundi 31 août)

Dans leur acharnement à plaire au patronat, ministres et dirigeants du Parti socialiste se marchent sur les pieds. Après Hollande, Valls et bien d’autres, le ministre de l’Économie Emmanuel Macron est allé déclarer son amour aux patrons, profitant de l’université d’été du Medef. Il y a ajouté sa pincée de critiques à la gauche dont il est pourtant un ministre. D’après lui, celle-ci aurait eu le tort de croire en une politique dirigée « contre les entreprises » et de penser que « la France pourrait aller mieux en travaillant moins ».
Au moins c’est clair. Si Sarkozy n’est plus au gouvernement avec son « travailler plus pour gagner plus », on y trouve sa copie conforme et même son style. Et si Valls, en tant que chef du gouvernement, et Cambadélis, en tant que secrétaire du Parti socialiste, ont cherché à corriger les propos du ministre, c’est d’abord parce qu’ils sont vexés que Macron leur ait volé la vedette.
Au fond, ce petit jeu consistant à chercher l’approbation des patrons n’est pas si difficile quand on est au gouvernement et que l’on peut leur accorder des subventions sur le budget de l’État. N’importe quel petit Macron de la dernière averse, encore frétillant de sa carrière dans la banque, peut alors venir les voir. S’il ajoute qu’à son avis, la bataille pour la réduction du temps de travail a été une erreur historique, les patrons veulent bien l’applaudir.
Le prétexte de cette politique est de faire repartir l’économie. Mais entre se tailler un succès à une réunion de patrons et convaincre ces mêmes patrons d’investir et d’embaucher, il y a une marge. Leur problème n’est pas de sortir le pays de la crise, mais de sauvegarder et augmenter leurs profits. Ils encaissent donc les aides mais n’en font rien, si ce n’est les placer dans des banques, spéculer ou racheter une entreprise à un autre patron. Non seulement cela ne crée pas un seul emploi, mais même cela en supprime par milliers.
Bien sûr, tout cela fait grogner quelques députés dits « frondeurs » inquiets pour leur réélection mais qui, après quelques protestations, s’alignent invariablement sur la politique gouvernementale. Les dirigeants écologistes, de leur côté, ne cessent de se demander de quel côté ils ont le plus à perdre, entre l’appui ou la participation au gouvernement et un simulacre d’opposition. De toute façon, cela n’a aucune influence sur un gouvernement décidé à poursuivre la même politique avec ses prétendues « réformes » consistant à s’attaquer aux droits des travailleurs.
Là encore, il répond aux demandes des patrons qui pensent que, avec un gouvernement aussi bien disposé à leur égard, il ne faut pas laisser passer l’occasion de reprendre des concessions faites dans le passé. Et de s’en prendre aux salaires, aux horaires de travail, à la représentation des travailleurs dans les entreprises, à leurs protections contre les licenciements, à tout le Code du travail. Pourquoi s’arrêter sur ce chemin, tant qu’il semble grand ouvert ?
Aucune véritable reprise économique ne sortira de là, car consacrer les finances de l’État à nourrir les profits patronaux ne fait qu’enrichir une minorité en appauvrissant toute la société. Menée dans tous les pays, elle fait même peser la menace d’une crise financière pire que celle de 2008, comme le montrent les soubresauts des Bourses.
La tragédie des réfugiés, qui ne cesse de prendre de l’ampleur, n’est pas sans rapport avec tout cela. Leur afflux en Europe, quand ils n’ont pas laissé leur vie dans la traversée de la Méditerranée ou asphyxiés dans un camion, est témoin du désordre politique et économique planétaire. Dans bien des pays, à la misère générale s’ajoutent les guerres, les déplacements de populations, les massacres. Et face à ce drame dont ils sont en grande partie responsables, les gouvernements européens affichent la même impuissance criminelle, agrémentée de discours hypocrites.
Alors que la situation s’aggrave pour les travailleurs et même pour les peuples en général, la politique de ce gouvernement dit de gauche se réduit à lécher les bottes d’un patronat cynique et triomphant. C’est lamentable et dérisoire. Il fut un temps où les partis de gauche, ou pour mieux dire les partis du mouvement ouvrier, avaient l’ambition de changer le monde. C’est bien loin des idées d’un Hollande ou d’un Macron, tout occupés à tenter de sauver un ordre existant qui part en lambeaux.
Mais la nécessité de changer le monde, c’est-à-dire d’abattre ce système capitaliste, elle, est plus impérieuse que jamais.

mercredi 26 août 2015

Air France : la direction n'en a jamais assez (article LO du 19 août)

La direction d’Air France vient d’assigner en justice le principal syndicat de pilotes, le SNPL, qui refuse de donner son accord au plan d’économies de la compagnie, Transform 2015, au moins pour ce qui concerne les attaques visant les pilotes. De toute évidence, la direction cherche à passer en force. En effet, début juillet, un juge s’était déclaré incompétent pour décider de la procédure en référé lancée par Air France contre le SNPL, ce qui avait suspendu les poursuites judiciaires. Air France revient donc à la charge contre ce syndicat, alors qu’il a lancé un référendum auprès des 3 000 pilotes de la compagnie, pour leur demander s’ils approuvent ou pas le plan d’économies de la direction.
La direction d’Air France a préféré ne pas attendre le résultat de ce référendum. Elle avait, semble-t-il, de bonnes raisons de craindre qu’il lui soit défavorable. Elle n’a évidemment pas oublié ni digéré la grève massive des pilotes de l’an dernier contre son plan d’économies Transform 2015. Et cela fait des mois que le SNPL refuse de donner son accord à une direction qui veut, avec ce plan, ­réaliser 2 milliards d’euros d’économies sur le dos de l’ensemble du personnel. Un plan qui a déjà eu pour résultat la suppression de 8 000 emplois, une intensification de la charge de travail, de la flexibilité, de nouvelles attaques contre le salaire réel pour toutes les catégories de personnel, les pilotes pour leur part refusant notamment, à juste titre, une diminution de leur rémunération pour les heures de vol de nuit.
Et ce n’est d’ailleurs pas fini. Car si la direction d’Air France piaffe d’impatience pour boucler ce plan drastique, elle en a déjà annoncé un autre : Perform 2020. Celui-ci vise à économiser 1,1 milliard supplémentaire et devrait entrer en vigueur fin septembre.
Certes, à Air France, les directions successives se sont employées à entretenir un certain esprit corporatiste, à diviser pour mieux régner en opposant telle catégorie de personnel à telle autre. En cela, elle n’a malheureusement pas manqué d’appuis auprès de certains syndicats corporatistes et elle espère que le refus des pilotes à son plan sera perçu comme spécifique aux seuls pilotes.
Comme si les attaques qu’elle mène plan après plan ne frappaient pas toutes les catégories de personnel ! Tous ensemble, les travailleurs de toute la compagnie, toutes catégories et professions confondues, auraient les moyens de faire reculer une direction qui, ils le constatent, n’a aucune intention de s’arrêter d’elle-même sur ce terrain. À moins que les travailleurs ne l’y contraignent.