Alors
qu’Alep est bombardée sans relâche depuis plus d’une semaine par
l’armée de Bachar al-Assad et l’aviation russe, des dizaines de milliers
de Syriens ont fui et sont bloqués à la frontière turque dans des
conditions effroyables.
Pour se dédouaner, les Européens exhortent la Turquie à ouvrir sa
frontière. Il faut, bien sûr apporter une aide d’urgence à ces milliers
d’hommes, de femmes et d’enfants à bout de force. Mais les dirigeants
européens, qui donnent des leçons d’humanité à la terre entière, n’ont
décidément aucune honte !
S’il y a, chaque semaine, des dizaines de noyés en mer Egée, c’est
parce qu’ils ont fermé les frontières de l’Europe. Au sein même du
continent, ils ont encore érigé des murs et des barbelés. Si bien que
ceux qui ont survécu à la traversée de la Méditerranée doivent encore
prendre le risque de mourir écrasés, électrocutés ou épuisés avant de
parvenir dans le pays où ils pensent avoir un avenir.
Face à la Turquie, les dirigeants de l’UE brandissent la Convention
de Genève qui oblige à accueillir les réfugiés, mais, ils refusent de le
faire eux-mêmes. Sans parler de l’Allemagne et la Suède qui ont adopté
leur propre politique, les 26 autres pays de l’UE se sont péniblement
mis d’accord pour relocaliser, comme ils disent, 160 000 migrants. A ce
jour, ils n’en ont pas accueilli 1000, quand la Turquie compte 2,5
millions de réfugiés.
L’Union européenne a sous-traité la gestion des réfugiés à la Turquie
et à la Grèce. En échange d’une aide financière, ces deux pays sont
censés renforcer leurs contrôles aux frontières et faire le tri entre
« vrais » et « faux » réfugiés, étant entendu qu’aux yeux des
gouvernants, la misère et la famine ne font pas partie des persécutions.
Exactement comme les villes riches payent des amendes plutôt que de
construire leur quota de logements sociaux, l’UE paye la Grèce et la
Turquie pour recevoir le moins de migrants possible. Et, comme des
migrants arrivent encore à passer entre les mailles du filet, voilà
maintenant, qu’elle menace de couper les vivres à ces deux pays !
C’est une politique abjecte, de bout en bout. Les dirigeants
européens sont de ceux qui ont semé le chaos au Moyen-Orient. Pour
préserver leurs intérêts dans la région, ils se sont alliés aux pires
dictatures, ont armé telle bande contre telle autre, sans jamais se
soucier des populations.
Et ils continuent, aujourd’hui, en rejetant les femmes et les hommes
victimes de ces guerres, de l’oppression et de la misère qui en
découlent. Pire, ils les traitent comme des pestiférés. Car il n’y a pas
d’autre mot !
Cette semaine, un politicien belge a demandé aux habitants de
Zeebruges de ne pas nourrir les migrants qui essayent de passer en
Angleterre !
En France, le moindre centre d’asile fait l’objet d’oppositions et de
fantasmes. C’est d’autant plus révoltant que les demandeurs d’asile
n’arrivent qu’au compte-gouttes et que le plus gros « problème » est
posé par les 4 000 ou 5 000 migrants du camp de Calais, qui ne rêvent
que de partir !
Tout est fait pour tuer tout élan de solidarité. Tout est fait pour
que l’on ne puisse pas s’identifier à ces femmes et ces hommes. On nous
parle d’afflux massif ou de submersion, comme si un continent de 500
millions d’habitants ne pouvait pas venir en aide à deux ou trois
millions de personnes. Comme si avec de l’organisation et un peu de
moyens, il n’était pas possible de leur donner refuge dans des
conditions dignes !
En France, du Front national au gouvernement PS, tous
instrumentalisent les peurs et agitent la nécessité de se méfier des
migrants, de sécuriser les frontières, de multiplier les contrôles. Ils
se servent des migrants comme d’un chiffon rouge pour faire diversion et
faire oublier les véritables responsables de la catastrophe du chômage,
des inégalités et du recul de nos conditions de vie.
Pour conserver le pouvoir, les dirigeants ont intérêt à ce que les
travailleurs se divisent et s’opposent. Ils ont intérêt à ce que les
pauvres s’en prennent à d’autres pauvres. Les migrants sont utilisés
comme des boucs émissaires pour canaliser la colère des classes
populaires.
Ce qui dérangerait les possédants, c’est que les migrants et les
travailleurs d’Europe s’entendent et se reconnaissent comme faisant
partie de la même classe des exploités : des exploités confrontés aux
bombes et acculés à la misère et à l’exode pour les migrants ; des
exploités confrontés au chômage et à l’exploitation ici.
Tous ces maux ont une source unique, la course au profit et la
domination d’une minorité sur toute la société. Et c’est ensemble que
nous pourrons la combattre.