samedi 13 novembre 2010

Le monde du travail a relevé la tête

Le 5 juillet 2008, devant un parterre de courtisans, Sarkozy déclarait avec un sourire satisfait : « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit. » Et les spectateurs de ricaner et d’applaudir le bon mot de leur président.

Aujourd’hui, ils ne ricanent plus. Et c’est le passage en boucle de ce discours dans un certain nombre de cortèges qui a bien fait rire les grévistes. Ce gouvernement si méprisant vis-à-vis des travailleurs et si servile vis-à-vis des riches, qui affirmait avec superbe, il y a trois mois, qu’il agissait « au nom du peuple », a dû ranger sa morgue et faire passer sa loi presque en catimini, avec une procédure d’urgence au Parlement.

Pourquoi ? Parce que pendant deux mois, chaque semaine, parfois deux fois par semaine, le pays a été le théâtre de centaines de manifestations. Jeunes et vieux, actifs et retraités, travailleurs du public et du privé, syndiqués et non syndiqués, français et immigrés, se sont retrouvés au coude à coude des semaines durant, par millions, pour rappeler au gouvernement qu’il a eu bien tort d’enterrer la combativité ouvrière. Bien tort de croire que la période pendant laquelle gouvernements de gauche et de droite pouvaient taper sur le monde du travail sans que celui-ci réagisse, allait durer à jamais.

Pendant deux mois se sont succédé les grèves, longues ou courtes, les débrayages, les journées d’action, les blocages. De la grande grève des raffineries de pétrole ou des transports jusqu’aux petites succursales d’agences bancaires qui ont fermé le rideau, le mouvement a touché à un degré ou un autre toutes les catégories qui composent le monde du travail. Et pour la première fois depuis de nombreuses années, on a vu défiler des contingents significatifs venus des entreprises privées.

Pendant deux mois, les plus petites villes du pays ont vu des manifestations qu’elles n’avaient jamais connues, avec des familles entières de travailleurs qui descendaient dans les rues pour la première fois.

Pendant deux mois, dans les ateliers, dans les bureaux, dans bien des écoles, dans les transports en commun, dans les cafés, on n’a parlé que de ça. Dans les quartiers populaires, il y avait ceux qui participaient au mouvement, et puis il y avait ceux qui les soutenaient. Et c’est tout. Parce que les rares qui étaient encore favorables à Sarkozy et à sa politique n’osaient pas ouvrir la bouche, et c’est tant mieux.

Pendant deux mois, les médias ont aligné les sondages montrant que plus de 70 % des « personnes interrogées » soutenaient le mouvement. Mais dans les « personnes interrogées », il y a aussi des patrons, petits ou grands, des hauts cadres ou des professions libérales. Aucun sondage n’a été fait pour interroger exclusivement les salariés. Quel résultat aurait-il donné ? 90 %, 95 % ? Pendant deux mois, c’est le monde du travail tout entier qui a été solidaire de ce mouvement.

Le monde du travail, pour la première fois depuis bien longtemps, a relevé la tête. Il a montré sa force, il l’a redécouverte lui-même. Il a aussi redécouvert ce que signifient les mots « unité des travailleurs » et « solidarité ». C’est déjà, en soi, une victoire, riche d’enseignements et d’espoir pour l’avenir.

Cette bataille, nous ne l’avons pas gagnée – au sens où nous n’avons pas réussi à faire reculer le gouvernement et le patronat. Mais nous avons réussi à nous faire respecter, et ce n’était pas arrivé depuis bien longtemps.

Et pourtant, nous n’avons fait que laisser entrevoir notre force. La véritable bataille, elle aura lieu quand nous serons prêts à entrer en grève, générale, totale, dans toutes les entreprises, comme en juin 1936 ou en mai 1968. En quelque sorte, le mouvement qui vient d’avoir lieu a été une préparation aux luttes futures. Et cela seul a déjà réussi à faire changer de ton ce gouvernement habituellement si arrogant. Cela nous fait mesurer ce qu’il se passera lorsque nous engagerons une lutte d’une autre ampleur.

Tous ceux qui l’avaient oublié ont redécouvert pendant ces deux mois que sans le monde du travail, un pays ne peut pas fonctionner. C’est une leçon que nous ne devons pas oublier.

Nous n’avons pas fait plier le gouvernement – pas cette fois – mais nous avons gagné en prise de conscience. Bien des travailleurs ont fait, pendant ce mouvement, leur première expérience de lutte. Ce ne sera certainement pas la dernière.

Article extrait d'un supplément exceptionnel de Lutte Ouvrière, disponible gratuitement auprès de nos camarades, à lire et faire lire autour de nous !

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