En 1905, dans la revue Mouvement socialiste,
le secrétaire de la CGT de l’époque, Victor Griffuelhes, figure du
syndicalisme révolutionnaire, parlait déjà des migrations. Il le faisait
en ces termes :
«
Il faut, dit-on, défendre le sol de la patrie ! Je n’y vois pas
d’inconvénient. Mais à condition que les défenseurs soient les
propriétaires de ce sol. Or c’est le prolétaire qui, comme toujours, est
appelé à défendre le sol, malgré qu’il n’en possède aucune parcelle. Le
prolétaire est attaché au milieu où il est né, où il a grandi, mais il
ne peut l’être que par le souvenir. Dès qu’il a l’âge d’homme, il est le
plus souvent contraint de s’éloigner, allant à la recherche d’un
travail qui le fera vivre. Il s’éloigne parce que la besogne vient à
manquer ou parce que, désireux d’améliorer son sort, il a osé réclamer
un meilleur salaire. En retour, il est congédié par son patron qui le
signale à ses confrères. Il doit fuir le milieu qui l’a vu naître,
courir les villes, quémandant de l’ouvrage. Il s’arrête là où un atelier
ou un chantier lui est ouvert. Il s’installe, il travaille, il vit, il
se fait un foyer, il élève sa famille.
Le lieu où l’ouvrier travaille, là est sa patrie !... A-t-il, dans
sa course vagabonde et incertaine, traversé une frontière ? Qu’importe !
Il a quitté un lieu inhospitalier pour aller dans l’inconnu, jusqu’au
moment où il a trouvé à vendre son travail. »
Oui, la notion de patrie est un leurre pour la classe ouvrière. Les
prolétaires n’ont pas de patrie, ou s’ils en ont une, c’est le monde
entier.
affiche de mai 1968
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire